FREE PALESTINE
2 décembre 2006

Avigdor Lieberman au pouvoir

Avigdor Lieberman au pouvoir

L’Union Européenne aux abonnés absents

Henri Wajnblum

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Editorial de Points Critiques de décembre, le Mensuel de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique

«Vous comprendrez que nous ne pouvons pas nous immiscer dans la constitution d’un gouvernement étranger. C’est là une matière dont seul l’Etat concerné est responsable» écrivait récemment Cristina Gallach, porte-parole officielle de Javier Solana, le Haut représentant européen pour la politique étrangère. Cela signifiait-il que l’UE allait enfin lever l’embargo sur l’aide financière à l’Autorité palestinienne ? Vous n’y êtes pas du tout. Cristina Gallach répondait ainsi à la question de savoir si l’UE imposerait des sanctions à Israël au cas où Yisrael Beiténou, le parti russophone et raciste d’Avigdor Lieberman, rejoindrait le gouvernement Olmert-Peretz !

Aujourd’hui, non seulement Yisrael Beiténou a rejoint le gouvernement, mais Lieberman en est devenu le vice-premier ministre chargé des Affaires stratégiques, et l’UE ne s’est en effet pas immiscée dans ce qu’elle considère comme une affaire israélo-israélienne.

Si nous comprenons bien, L’UE considère qu’elle n’a pas le droit de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un Etat comme l’est l’Etat d’Israël, mais qu’elle peut parfaitement le faire dans celles d’un non-Etat comme l’est le non-Etat de Palestine. Peu lui importe que si Gaza et la Cisjordanie ne constituent toujours pas un Etat, c’est uniquement parce que Israël n’en veut pas.

S’arrogeant donc le droit de s’immiscer dans la constitution du gouvernement du non-Etat de Palestine, l’UE exige de lui, pour rétablir son aide financière, qu’il reconnaisse le droit d’Israël à l’existence dans les frontières d’avant le 5 juin 1967, qu’il entérine les accords passés entre Israël et l’Autorité palestinienne, et qu’il renonce à la violence…

Et la réciproque ?

Le tout nouveau vice-premier ministre israélien n’est pas entré au gouvernement les mains vides. Il est porteur d’un projet : «Ce que je veux c'est une vraie solution et non une solution comme celles qu'on a cherchées par le passé. Dans les accords d'Oslo I et II on a rétrocédé des territoires et on a autorisé la présence de forces militaires pour garantir le respect des engagements pris.Ce que je veux, moi, c'est un échange de territoires et d'habitants. Il faut retracer toute la région entre le Jourdain et la mer de façon à avoir les Juifs d'un côté et les Arabes de l'autre. La solution que je propose prévoit la modification des frontières de sorte à exclure de nos territoires les agglomérations des Arabes israéliens qui seraient placées sous autorité palestinienne, et à y inclure la plupart des agglomérations juives, notamment celles du Triangle qui seraient placées sous souveraineté israélienne», déclarait-il dans une interview publiée le 25 décembre 2004 dans  www.hazofe.co.il. Et d’ajouter : «La vision que j’aimerais avoir ici, c’est le ferme établissement de l’Etat juif et sioniste… La démocratie a toute ma faveur, mais lorsqu’il y a contradiction entre valeurs démocratiques et valeurs juives, les valeurs juives et sionistes sont plus importantes.». On se demande de quelles valeurs juives il peut bien vouloir parler. Ce ne sont certainement pas les nôtres.

Pas de frontières de ’67 donc pour Lieberman et pas de reconnaissance des accords passés. Pas d’abandon du recours à la violence non plus… «Je n’hésiterais pas à envoyer, pour 48 heures, l’armée israélienne dans toute la zone A. Détruire le fondement de toute infrastructure militaire de l’Autorité, tous les bâtiments de la police, les arsenaux, tous les postes des forces de sécurité… Ne pas laisser une pierre sur une autre. Tout détruire.», déclarait-il déjà en 2002 alors qu’il occupait le fauteuil de ministre des Transports dans le premier gouvernement Sharon. Et d’en rajouter une couche en suggérant que tous les prisonniers palestiniens détenus en Israël soient noyés dans la Mer Morte, s’offrant même à fournir les bus pour les y conduire (Ha’aretz du 11 juillet 2002).

Certains, en Israël, ont comparé Avigdor Lieberman à Jorg Haider, à quoi Akiva Eldar, un des grands éditorialistes de Ha’aretz a répondu que rien n’était plus inexact… Jorg Haider, écrivait-il, n’a en effet jamais proposé de nettoyer l’Autriche de ses minorités ethniques.

A quand l’appel d’un responsable européen, et pourquoi pas de notre Commissaire Louis Michel, à ne pas aller se dorer au soleil d’Eilat tant qu’un raciste notoire occupera les fonctions de ministre dans le gouvernement israélien ? A quand aussi, venant  de l’Internationale socialiste et du président du PS, une condamnation ferme du parti travailliste israélien qui a fait passer sa soif de pouvoir avant les idéaux de démocratie qu’il est supposé porter ?

Beit Hanoun

Cela me fait très mal de dire que les actes de l'Etat d'Israël à Beit Hanoun ne sont rien moins que du terrorisme d'Etat (…)”. Voilà qu’“il” remet ça se diront encore ceux que ce que j’écris sur le thème Israël-Palestine a le don, pour le moins, de prodigieusement exaspérer. Qu’ils se détrompent, cette phrase n’est pas de moi, elle est extraite d’un article de Gershon Baskin dans le Jerusalem Times daté du 8 novembre. Dans cet article, intitulé Mr Peretz, "homme de paix", à ne plus vous revoir !” Gershon Baskin s’adresse à Amir Pertez en ces termes : “Depuis le 25 juin 2006, alors que vous étiez en fonction, Mr Peretz, plus de 350 Palestiniens ont été tués. Plus d'un tiers d'entre eux étaient des civils, dont au moins 57 mineurs. Au terme d'un raid de destructions et de tueries de six jours à Beit Hanoun, au nord de la bande de Gaza, vous, Mr Peretz, avez dit que cette opération était un succès, et que les habitants de l'ouest du Néguev pouvaient désormais dormir tranquilles (…). Mr Peretz, un "homme de paix" ? Les hommes de paix ne célèbrent pas la mort d'innocents.”

La déception de Gershon Baskin est certainement à la mesure des espoirs qu’il avait mis en Amir Peretz en votant pour lui. Au lendemain des élections israéliennes du 28 mars dernier, certains, en Israël et ici, n’avaient en effet pas hésité à titrer sur le “retour de la gauche”. La gauche ? Quelle gauche ?

Avant qu’on ne nous accuse à nouveau d’unilatéralisme dans la critique, disons sans ambages que nous condamnons fermement les tirs de Qassam sur Sderot et les morts civiles qu’ils provoquent. Mais, ainsi que l’écrit cet autre grand éditorialiste de Ha’aretz, Gideon Levy : “Personne ne s’interroge sur le rapport existant entre d’un côté, les dégâts occasionnés par les roquettes Qassam et de l’autre, le nombre de morts et l’ampleur des destructions, dont le bombardement de la centrale électrique, à Gaza, un territoire où sont emprisonnés un million et demi de personnes, appauvries et affamées. Ces opérations futiles n’arrêteront pas les roquettes Qassam qui sont destinées à rappeler, douloureusement, à nous-mêmes et au monde, la détresse des habitants de Gaza, enfermés et boycottés, auxquels, n’étaient les roquettes Qassam, nul ne prêterait attention. Le moyen de lutter contre les roquettes Qassam, c’est de cesser le boycott, de s’asseoir à la table des négociations et d’arriver à un accord. Sinon, nous poursuivrons notre dégringolade et continuerons à être insensibles aux pertes en vies humaines chez eux, et très vite aussi chez nous.”

Car, plus grave encore que le non retour de la gauche, c’est le degré d’insensibilité qu’atteint peu à peu la société israélienne dans son ensemble. Ecoutons encore Gideon Levy : “La phase actuelle de la dégringolade morale a commencé avec les assassinats dans les Territoires. Au début, il y avait encore débat sur leur degré de légalité et de justification. Combien se souviennent encore qu’ils étaient autrefois limités, du moins en paroles, aux «bombes à retardement», aux menaces immédiates? La Cour suprême, dans sa couardise, s’est abstenue depuis des années de prendre position sur cette matière, et le projet des assassinats s’est développé jusqu’à atteindre des proportions monstrueuses. Au cours des derniers mois, il ne s’est pour ainsi dire pas passé un jour sans que des Palestiniens soient tués à Gaza, et au lieu de demander pourquoi ils sont tués, nous faisons bon accueil à un Premier Ministre qui s’enorgueillit, devant le Comité des Affaires étrangères et de Sécurité, de la mort de «300 terroristes» en quatre mois, comme si le fait de tuer était en soi un fameux exploit. C’est le message éducatif d’Ehoud Olmert, et il est infiniment plus grave que toutes les affaires de présomption de corruption dont il est soupçonné. Nul ne s’est levé pour demander qui étaient ces Palestiniens tués. Au-delà du nombre terrifiant de civils tués, dont des dizaines de femmes et d’enfants, il faut aussi demander si tout homme armé à Gaza mérite une condamnation à mort sans jugement. Du jour où l’armée israélienne a commencé les opérations de liquidations, notre sensibilité à la vie humaine était condamnée à être totalement éradiquée.”

En juin 2002, Michel Warchawski, de passage à Bruxelles, lançait cet appel à l’Europe : Sanctionnez-nous avant que nous ne commettions l’irréparable. Il serait grand temps que l’Europe l’entende, le point de non retour est en passe d’être atteint.

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